Oui cette toute petite souris, Célie a bien 5 mois sur ces photos. Très grande prématurée, née à seulement 5 mois et 3 semaines de grossesse, cette petite guerrière a surmonté les épreuves avec brio. L’indéfectible soutien et l’amour de ses parents et de sa grande sœur Hélia (ainsi que leurs proches) ont été précieux tout au long de son lourd parcours médical. Et évidement, un grand bravo et merci aux différents médecins, chirurgiens, puéricultrices sages-femmes, auxiliaires de puériculture… du service de Réanimation Néonatale de l’hôpital de l’Archet 2 à Nice, qui ont sauvé la vie de ce merveilleux bébé!
Marion et Cédric (qui sont des amis chers à mon cœur et des personnes formidables) ont accepté de raconter cette période compliquée pour que les parents qui vivent une situation proche de la leur, sachent qu’il faut rester positif et que grâce aux prouesses médicales, les grands prématurés sont entre de bonnes mains.
Voici leur témoignage:
Marion a commencé à souffrir d’hypertension gravidique aux alentours de son 4ème mois de grossesse, malgré les traitements et après 2 séjours à l’hôpital elle a malheureusement dû subir une césarienne en urgence pour sauver notre bébé et sa peau.
- Diagnostic d’hypertension gravidique de la grossesse pouvant atteindre jusqu’à 20/11 même en dormant. (Arrêt de travail immédiat à 20SA) Retard de croissance du fœtus.
- 1ère hospitalisation en urgence à la Clinique Saint Georges pendant une dizaine de jours pour recevoir plusieurs traitements par perfusion, et faire de multiples analyses. Tension stabilisée à 15/9.
- Retour à la maison, grossesse alitée, sous surveillance de la sage-femme à domicile. 2 monitorings par semaines, qui sont de moins en moins bien. Bébé de moins en moins tonique.
- Une nuit, un cauchemar : Marion rêve que son bébé suffoque dans son ventre. Elle le sent bouger moins souvent. L’écho morpho est dans 2 jours.
- Échographie morphologique, mauvaise nouvelle : le doppler du cordon ombilical est nul, autrement dit, notre bébé survit en autarcie dans le ventre de sa maman. Les artères du cerveau et du foie sont dilatées, le bébé a cassé la courbe de croissance, il ne grandit plus.
- Marion est ré-hospitalisée en urgence, à l’Archet 2 cette fois (maternité de niveau 3) diagnostic de pré-éclampsie et de toxémie, re-traitements de cheval par perfusion, 3 monito/J, 1 prise de sang/J, 1 analyse d’urine/jour, 1 échographie tous les 2 jours… Fatigue extrême, difficultés respiratoires, fonction rénale en danger, œdème, céphalées, saignements de nez, douleurs musculaires dans tous les sens…
- Rencontre avec le pédiatre réanimateur et le gynécologue obstétricien qui viennent nous expliquer la situation et nous préparer à tout ce qui nous attend. Soutien psychologique de toute l’équipe soignante, de la psychologue du service, de toutes les mamans du service des grossesses pathologiques (une pensée à toutes ces personnes)
- 6 jours plus tard, monito de 16h : décélération cardiaque du bébé, Je reçois un appel de ma femme : elle descend au bloc, césarienne en urgence sous rachianesthésie, à 27 SA. En mois de 30 min, naissance de Célie, 760g, 32 cm, le 18 février 2019 (Terme initial 22 mai 2019).
- Prise en charge de Célie dans le service de réanimation néonatale. Célie a pu respirer par elle-même ses 2 premières heures de vie, puis s’est fatiguée et a été intubée. On lui a posé un cathéter de type KTVO, elle a été reliée à des capteurs cardiaques, sonde de température, bracelet de tension, et capteur de saturation. Son alimentation s’est faite par sonde nasogastrique les 2 premiers jours, puis par voix parentérale pendant de longues semaines. Elle souffre de diverses complications graves liées à sa très grande prématurité dont une hémorragie intraventriculaire dans le cerveau. Elle est sédatée pour ne pas souffrir.
- J’arrive en réa juste après la naissance de ma fille, je suis perdu, une puéricultrice me « recueille » et me conduit auprès de ma fille. Elle est dans un incubateur recouvert d’une housse en tissu, dans une petite pièce ou la lumière est éteinte, il y a plein d’écrans de contrôle allumés, de nombreuses machines branchées, et des bips… des milliards de bips dans tous les sens, qui sonnent, qui braillent, qui rendent fou…
- Célie à 9 jours. A 1h du matin, on reçoit un appel du chef de service de la réa néonat. Il nous dit que l’état de notre fille Célie s’est rapidement dégradé dans la soirée : il faut l’opérer en urgence. Une équipe de l’hôpital Lenval se déplace jusqu’à elle car elle n’est pas transportable.
« Là, il faudrait que vous veniez rapidement, car nous sommes réservés sur le pronostic de Célie… »
Nuit hors de la réalité et du temps.
- Célie survit à son opération (une immense pensée pour le Professeur B. et toute l’équipe) son intestin avait une malformation, (une zone de sténose) et il s’était perforé. Elle porte maintenant une « Stomie » temporaire : son intestin a été sectionné, chacune des deux parties est abouchées chirurgicalement à gauche et à droite de son ventre, entre les deux : une longue cicatrice plus grosse que la césarienne. Deux petites poches en plastique sont collées sur les abouchements pour recueillir les selles. A cette date, elle ne pèse plus que 630g.
- On est tellement sous le choc qu’on n’a même pas encore pu trouver les mots pour avertir notre fille ainée de 4 ans, Hélia, que sa petite sœur est née. On est hors du temps. On réalise que si Célie s’en va, Hélia n’aura même pas su qu’elle avait vécu… L’équipe soignante nous donne une mini couche de préma, une mini tétine, des sondes, des tubulures, des capteurs pour accrocher à la sa poupée, et faciliter les mots.
- Mise en place d’un emploi du temps de ministre pour concilier : visites à l’Archet, séance de « peau à peau » avec Célie, rdv psychiatre, rdv psychologue, autres rdv, récupérer Hélia à l’école et lui conserver un rythme de vie normal.
- Mise en place d’un allaitement maternel par tire-lait, 8 tirages par jour, recueil du lait dans des poches de conservation, étiquetage, stockage, congélation par date. Transport, chaîne du froid, vaisselle, stérilisation, tout cela dans le but de pouvoir enfin nourrir notre bébé par sonde gastrique.
- Se battre avec la médecine du travail afin de faire valider mes arrêts maladie, car pour eux, ce n’est pas moi qui suis hospitalisé, c’est mon enfant. « Bon et puis maintenant les prématurés s’en sortent tous bien, vous pouvez quand même reprendre le travail hein ».
- Attendre avec une folle impatience chaque séance de peau à peau avec mon bébé, et chaque jour devoir quitter l’hôpital bien trop tôt et rentrer chez soi sans elle.
- Arriver un matin à l’Archet et découvrir notre bébé dans un état léthargique, toute « grise », et apprendre qu’elle est train de faire une entérocolite (infection de l’intestin) Interruption du peau à peau. Interruption de l’alimentation avec le bon lait de maman, reprise de la parentérale.
- Célie reçoit un traitement de cheval et guérit en quelque jours. Elle doit à nouveau patienter 5 à 6 semaines avec sa stomie avant de pouvoir se faire réopérer pour remettre en continuité son intestin. Célie a 2 mois, et, est maintenant assez « grande » pour porter ses premiers vêtements et rencontrer sa grande sœur <3
- Programmation de la chirurgie de remise en continuité de son intestin. Opération retardée de 10 jours car le transfert à l’hôpital de Lenval l’a fatiguée.
- Opération réussie (Merci Dr L., Dr G. et toute la réa de Lenval) reprise de l’alimentation par la sonde ET la bouche !!! Premier allaitement au sein (alléluia !). Célie réussit à effectuer 5 à 6 succions d’affilée !!! Premier caca dans la couche de toute sa vie, premier bain …
- Après une 3ème échographie de son cœur, apprendre que son canal artériel n’a pas réussi à se refermer à cause de toutes ces complications. Célie a 3 mois, elle pèse moins de 2 kg, il va falloir se résigner à une nouvelle intervention pour le refermer (sur Marseille ou Monaco) et ce par thoracoplastie car elle est trop petite pour une cathétérisation.
- Retour à l’Archet et reprise du rythme quotidien habituel (allers-retours à l’hôpital, allaitement, psy, école, dodo…) Mais l’horrible sensation de ne pas savoir combien de temps ça va encore durer…
- 4ème échographie du cœur, le canal artériel s’est refermé tout seul. C’est un miracle (voix célestes). Célie est maintenant assez forte pour téter plus fort, plus longtemps, elle pèse 2 kg.
- Commencer à pouvoir donner des petits biberons en complément pour mon plus grand plaisir ! Célie en a tellement marre qu’elle s’arrache la sonde gastrique 3 fois par jour. On décide de pas la remettre, pendant 12h, 24h, 48h, … Et finalement, on entend enfin la phrase qu’on attendait depuis 4 mois : « Si cela continue comme ça, on va pouvoir programmer une date de sortie ».
- Courant d’après-midi du 17 juin 2019, nous sommes repartis de l’hôpital avec notre petit bébé. Nous sommes rentrés à la maison tous les 4, complètement éclatés de fatigue, au bout de nos vies, mais heureux.
- Adapter son bébé à un univers sonore silencieux, sans bips, au calme… Nourrir son enfant toutes les 3h, même la nuit. Être « au-delà » de la fatigue. Tout donner !
- Reprendre le travail début juillet, laisser Marion seule avec 2 enfants à la maison pour tout gérer parce que je suis tombé à demi-salaire depuis 2 mois. (Plus de 3 mois d’arrêt maladie) Reprendre une vie sociale. Reprendre une vie normale… Sortir de chez soi avec un très petit bébé, le regard des gens… Les questions des gens… l’intrusion des gens…
- Se battre avec la mairie pour obtenir une place chez la même assistante maternelle que pour sa grande sœur. (Les grands prémas sont trop fragiles pour aller en collectivité) Gagné !
- Septembre, reprise du travail pour Marion (Auxiliaire de puériculture en crèche) après 9 mois d’arrêt au total. Deux réveils chaque nuit pour donner le bibi à bébé. Hélia qui rentre en moyenne section, Célie qui fait son adaptation chez sa nounou. Atteindre les 3kg, poids où on n’est plus obligé de l’alimenter la nuit. Dormir…
- 4kg ! Célie fait ses nuits, a ses premiers fous-rires, aller à un million de rendez-vous médicaux : PMI, Pédiatre, Chirurgien, CAMPS, Ophtalmopédiatre, Gastropédiatre, Neuropédiatre…
- 31 décembre 2019, IRM cérébrale, le cerveau et les nerfs optiques de notre bébé sont impeccables. Les traces de son hémorragie cérébrale ont disparu. Le soulagement, enfin…
Voici notre histoire. On n’a rien lâché. Même si ça nous a couté de devoir gérer les émotions de nos proches, de répéter 1000 fois les explications au gens (qui n’écoutent pas, qui oublient, qui ne sont pas fort en biologie) On se souvient l’enfer de vivre en communauté à l’hôpital dans des petites pièces de 16m², 4 bébés par pièce, 2 parents par bébé (et pas que des gens discrets et respectueux). On a serré les dents pour continuer à faire en sorte que notre fille ainée soit préservée, se soutenir dans notre couple lorsque l’un des deux craquait, continuer à faire tourner la maison (le ménage, les repas, les machines…)
Voilà, on en est là. On est debout. Célie est l’être humain le plus fort qu’on n’ait jamais connu, elle se porte comme un charme. Hélia a traversé cette épreuve avec courage et maturité. Notre couple a chanté comme de l’acier sous les coups d’un marteau, mais on y est arrivé. On a vu la Mort passer près de nous et on lui a dit « Not Today ! ».
Je suis le père de famille le plus heureux du monde, je suis le mari le plus fier du monde et notre petite famille est plus forte que jamais.
A ma femme et mes deux filles « Vous êtes toute ma vie, je vous aime ! ».
Pour conclure: Je vous souhaite tout le bonheur possible ensemble, je vous embrasse fort, je vous remercie encore pour votre confiance et je suis très fière d’avoir pu réaliser les portraits de Célie et de votre magnifique famille.
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